Yukon, la rando extra large dans le Kluane national park

Il était temps de faire une coupure nette avec la routine du camion, arrêter d’avaler du bitume et rentrer dans la fosse aux Ours pour quelques jours, sans être protégé par notre bouclier d’acier. En s’enfonçant dans la nature, les prises de sons y gagneraient surement en puissance.

Pour ce baptême du feu, on met notre dévolu sur le Kluane National park dans le Yukon. La route pour y arriver nous met en appétit et on choisit de partir à pied pour 4 jours de rando en autonomie, avec à la clef, une vue imprenable sur le glacier Kaskawulsh. Passage obligatoire par le visitor center pour l’enregistrement, on n’échappe pas à une prévention complète sur les risques de ce parcours. Ours, traversée des cours d’eau, l’hypothermie, tous les sujets vitaux sont passés en revue avec petite interro à la clef. L’employée du centre, l’air satisfaite, nous laisse repartir avec un contenant à l’épreuve des Ours sous le bras (obligatoire, pour y mettre vivres, déchets, tout produit odorant et dormir tranquille…). Le programme allait être chargé, nous aussi…

C’est donc avec le matériel de son, la tente, la nourriture et d’autres choses qui n’ont servi à rien, que nous nous engouffrons sur le chemin. 22,5 km pour rejoindre le camp de base, une bonne entrée en matière en soi. Peu rassurés encore sur la présence des Grizzlis, on unit nos forces avec un compagnon de route, Roger. Faire du bruit, parler fort, c’est la première arme pour éviter de surprendre l’animal. Ici, c’est son territoire et si tu n’en croises pas, sa présence reste palpable.

On navigue entre toundra marécageuse et montagne rocailleuse à l’aide de cairns disséminés. Les derniers kilomètres nous reversent une belle ascension, nous achève et clôture ces 8 heures de marche.

Quelques tentes, mais personnes au camp ; on comprendra le lendemain pourquoi il faut attendre 19 h pour commencer à voir des silhouettes au loin.

Le deuxième jour sera celui de l’ascension vers le glacier. Un petit aller-retour de 20 km réservant bien des surprises. Au départ, les multiples bras de la rivière nous attendent. Glaciales mais peu profonds, nous les retrouveront avec un niveau bien plus haut à notre retour…Puis, c’est une ultra ascension, 1200 m de dénivelé sur 4 km, sur un terrain accidenté et vertigineux, qui nous hisse, péniblement au sommet. Le matériel de son a fait le trajet avec nous, on s’en déleste le temps d’une Phonography avec vue.

La scène est évidemment spectaculaire, mais je pensais déjà au retour, à la pente abrupte, aux crêtes sans garde-corps, à la rivière qui prenait de la puissance. Pour résumer la descente, je dirais que j’ai pleuré mille fois…le physique n’était pas au rendez-vous et le mental m’avait quitté depuis un moment. N’ayant pas d’autre choix que de redescendre, j’ai rassemblé mes esprits et suis restée concentré à chaque pas. Une fois en bas, la rivière tenait bien sa promesse, elle avait changé de forme et de tempo. On choisi un endroit où elle se divise et perd un peu en puissance. On se lance, face au courant, le sac détaché (détail qui a son importance), bâton droit devant. Certains bras sont plus profonds, et le bouillonnement de l’eau m’étourdit. L’employé du centre l’avait pourtant dit :  » ne jamais regarder l’eau ». On traverse le dernier bras qui nous glace définitivement les pieds. Nous arrivons au camp à 19 h, soit une journée de 10 h de marche.

 » Tu sera bien contente d’avoir une journée off avant de repartir ». On nous a dit cela aussi et c’est exactement ce qu’il fallait faire en ce troisième jour…et quelques prises de sons aussi.

Le dernier jour aurait pu être simple et sans embûches. Mais trop fatigués, nous décidons de « ziber » pour gagner du temps. Une bien mauvaise idée, surtout par temps de pluie. Ne pas réfléchir, foncer tout droit, faire du bruit en continu et au pas de course pour s’extirper de cet endroit peu inspirant. On retombe sur nos pattes (merci le GPS), tremblant, boueux, mais tellement content de voir la fin du parcours ( je vous épargne l’épisode de l’homme, hyper flippé, qui a vu l’homme, qui a vu le Grizzly, rajoutant une couche d’adrénaline).

À chaque fin de randonnée (je pratique régulièrement la chose.), j’éprouve toujours ce sentiment de satisfaction après en avoir bavé. Mais il ne faut pas se mentir, on n’avait pas le niveau sur ce coup-là. Avec un peu moins de poids dans le sac et plus d’entraînement, peut-être. Pour la petite histoire, un groupe que l’on a vu partir le matin lors de notre journée off, est rentré très tard. Une des filles s’est fait emporter par le courant sur 200 m, avec son sac (d’où l’importance de le détacher). Sous le choc, à la limite de l’hypothermie, éraflé de partout, son récit nous remet tous à notre place, tout petits dans cette nature sauvage.

« Yukon, larger than life », en effet oui.

Microphones : qu’avons nous pris dans nos valises ?

La question du setup de micros à prendre nous a hanté depuis le début de la conception de ce projet. Pour un budget donné, quels micros prendre avec soi ? quelle sera la bonne combinaison de micros qui permettra d’être le plus flexible possible, mais aussi de répondre à tout nos critères, et au vu du prix que nous allions engager, ne pas se tromper dans les choix!

Nous souhaitions un setup de micros qui répond à quelques impératifs de prise de son :

  • Prise de son surround, permettant de faire des quad (4.0), mais aussi du surround plus classique (5.0)
  • Prise de son stéréo ORTF, XY, AB
  • Prise de son ambisonic, pour la VR et les vidéos 360°
  • Prise de son animalière
  • Prise de son sous-marine
  • Prise de son électro-magnétique
  • Prise de son de type micro-contact

mais aussi de contraintes plus techniques :

  • Rapport/signal bruit faible
  • Micros robustes et fiables, résistant aux intempéries et climat humide
  • Micros relativement petits et compacts.
  • Configuration flexible.

Les contraintes étant posées, je vais essayer d’expliquer nos choix pour ce projet.

Pour commencer, un des critères décisif a été la bonne résistance des micros aux intempéries. Pour cela les micros a technologie haute fréquence de Sennheiser, avec la série des MKH, nous a semblé un bon point de départ. Ces micros ont la réputation de ne pas être sensible à l’humidité, et de bien résister à des situations de terrain. Ils sont de ce fait beaucoup utilisés en tournage documentaire. De plus la réputation de Sennheiser en terme de fiabilité, et de qualité, nous a semblé bien établie.

Voulant également des microphones compacts, nous sommes donc parti tout naturellement sur la série des MKH 8000.

Une paire de MKH 8040 appairés, nous permettra de faire de bonnes prises de sons stéréo en toutes circonstances. (ORTF, XY, AB)

 

Ensuite la question s’est posé pour le surround (5.0) , soit de racheter x3 mkh 8040, ou d’utiliser une technique plus économique et flexible, le double MS (DMS) en ajoutant un micro en figure en 8, aux deux MKH 8040. C’est cette dernière solution que nous avons choisi, car elle est plus économique (réutilisation des deux MKH8040) et plus flexible, et très compacte. Nous avons donc naturellement choisi un Sennheiser MKH 30-P48, pour rester dans la même famille de micro. Le seul regret est que ce micro n’est pas vraiment compact….on aurait bien aimé que Sennheiser le décline en version 8030.

La configuration DMS est bien connu du côté de chez Schoeps, avec des solutions de suspensions et de protections anti vent, mais rien de prévu pour Sennheiser…..

Heureusement, nous avons trouvé notre bonheur chez Cinela (http://www.cinela.fr/), fabriquant haut de gamme de suspension et protection anti-vent qui fait des suspensions sur mesure en fonction des besoins du client. De surcroît Cinela est une marque française, établie à Paris.

Tout est fourni dans le kit pour enregistrer en DMS, en toutes conditions :

Il nous restait encore à trouver une config pour la prise de son animalière, ou simplement permettant de prendre des sons plus lointains et surtout de façon plus directif. Idéalement, nous aurions bien emporter avec nous un micro canon et une parabole, mais le budget a du nous faire faire un choix et nous avons opté pour la parabole : une Telinga (http://www.telinga.com/) couplé à un omnidirectionnel le Sennheiser MKH 8020.

 

Nous voulions également un micro ambisonique, pour pouvoir faire des enregistrement en format B, pour la réalité virtuelle et les films en 360°. Au moment du départ et à un prix abordable, il n’y avait que le Sennheiser AMBEO sur le marché (Rode viens de sortir un micro concurrent, grâce au rachat de Soundfield : http://fr.rode.com/nt-sf1)

le Sennheiser AMBEO, est le petit micro, à droite sur la photo :

Nous avons complété le tout d’un hydrophone Aquarian X2A-XLR, que nous possédions déjà, avec l’idée d’enregistrer les mammifères marins, mais aussi les craquements des glaciers. En outre ce micro sert aussi de micro-contact. (http://www.aquarianaudio.com/h2a-xlr-hydrophone.html)

Le micro en haut sur la photo. (il y a aussi un petit pickup microphone en bas à gauche, pour enregistrer les interférences magnétiques)

Voilà notre config, j’espère qu’elle nous permettra de répondre à un maximum de situations, je ferai dans des prochains articles, un descriptif de chaque micro, ainsi que de leurs utilisations.

Sur la route de Radisson

Le désir de capturer un son plus pur, isolé de l’activité humaine nous a fait prendre des chemins de traverse.
Cap au point le plus au nord du Quebec, destination Radisson et la baie James, où vivent les Cris, peuple autochtone.
De Chibougamau à Chisasibi, la route du Nord sera longue. Pas de réseaux, pas d’eau et de vivres ni de station service
à des centaines de kilomètres à la ronde. A toi de prendre tes précautions, c’est le deal pour arriver au bout.
Pas de bitume sur plus de la moitié du chemin, 800km en tout, que des cailloux laissant une traînée de poussière derrière toi.

Mais la route, c’est le clou du spectacle à l’envers. La forêt s’est déroulée comme un tapis sans fin, passant de mystique,
calcinée par la foudre à délirante et colorée avec sa sphaigne fluo.

800km pour arriver au bout de la route la plus au nord du Quebec, « longue pointe », et pour y trouver un panneau avec écrit « Cul de sac »!
Une voie sans issue, qui s’arrête et vous laisse là, face à la baie James, seul. Enfin non, il y avait deux maisons et un tipi.
Un coin de paradis perdu, qui jouxte la région du Nunavut, mais sans liaison carrossable ( mer et air uniquement ).
Coucher de soleil et levé de lune en récompense du chemin parcouru.

Mais bizarrement, peu de son et de signe de vie animale. 3 canards et 2 mouettes, c’est grossièrement tout ce que l’on a entendu.
On multiplie les enregistrements de jour et de nuit, mais les animaux ne sont pas la pour faire le show, malgré une place durement gagnée au premier rang. En bon opportuniste, on enregistre tout de même l’instant, un silence teinté de vents et de vagues.
Au matin, quelques activités reprennent. Un motard venant de Montréal débarque. On prend le thé ensemble, on discute de la route, du Québec, des animaux qu’il a rencontré en campant seul au milieu de la forêt, du plus bel orignal qu’il a vu, à deux pas d’ici. Puis au loin un bateau à moteur, des habitants du Nunavut venant chercher des vivres pour leur village.
Une dernière prise de son pour la (longue et caillouteuse) route. A la sortie de longue pointe, on l’aperçoit. L’orignal. D’une taille irréelle comme sorti d’une légende, il fait une brève mais remarquable apparition.
Au retour, on passe par Radisson. » Y a rien à y faire la bas », nous a t-on dit à plusieurs reprises. Lieu de convergences des exploitations des ressources ( bois/ minéraux/ eau avec ses barrages), le village à en effet peu d’intérêt touristique et esthétique.Un beau prétexte cependant pour pousser le chemin le plus loin possible et toucher du doigt la mythique baie d’Hudson.

Phonography de Longue Pointe :

Phonography : Longue Pointe, Saint James Bay, Quebec (53.969272, -79.095958)